O. Gaillard: Une histoire de Veytaux

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Titel
Une histoire de Veytaux. Anecdotes et documents découverts dans les pas de la famille Delarottaz


Autor(en)
Gaillard, Olivier
Erschienen
Lausanne 2020: Editions Antipodes
Anzahl Seiten
330 p.
von
Étienne Hofmann

C’est à une saga familiale que nous convie Olivier Gaillard. Les Delarottaz de Veytaux remontent au moins au XVe siècle ; certains registres ont brûlé en 1609, empêchant une reconstitution plus lointaine. Dès le siècle suivant, exploitants agricoles et possesseurs de vignobles, ils sont aussi des notables locaux : communiers, ils bénéficient de privilèges sur les biens communs, moyennant une redevance ; la plupart obtiennent la syndicature du village, quelques-uns sont membres du consistoire, le tribunal des mœurs ; certains accèdent à la magistrature : par exemple François (1610-1672) est juré dans la juridiction de Chillon ; son fils Jaques (1644-1719) est justicier auprès de la même instance ; un cousin, Jean (1656-1729) atteint même la charge de châtelain de cette même juridiction, honneur qui revient aussi à François-Abraham (1700-1782). Leurs alliances matrimoniales avec d’autres familles locales, les Masson par exemple, tissent un réseau serré ; l’auteur évoque ce « fonctionnement clanique » (p. 70) où les mêmes se retrouvent dans tous les rouages communaux et paroissiaux. Leurs propriétés s’étendent jusque dans la plaine à Rennaz et Noville. On comprend donc pourquoi il est possible, à travers cette famille, de faire l’histoire du village ; comme le dit justement Gilbert Coutaz, qui signe l’avant-propos : « Il y a en fait superposition de l’histoire familiale et de l’histoire communale. » (p. 5). Après un prologue d’une belle facture poétique (Olivier Gaillard a écrit plusieurs romans et a enseigné la littérature et la philosophie), l’auteur consacre le premier chapitre à la construction, en 1797, de la « maison neuve », par deux frères, Jean (1753-1812) et François-Abram (1759-1822), qui ont épousé deux sœurs : Marguerite et Judith Brocard. Coup de projecteur sur l’une des bâtisses qui témoignent de l’empreinte laissée par cette famille dans Veytaux ; l’autre, la « maison vieille » date de 1631, et a été érigée par leur arrière-arrière-grand-père Jaques (~1580-~1658). Cette entrée en matière permet d’introduire Jean, celui qui joue un rôle important en dehors du cercle local, lors de la révolution vaudoise et dans la politique cantonale jusque sous la Médiation. La seconde partie de l’ouvrage lui est consacrée. Puis retour arrière, depuis les plus lointains ancêtres jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Le fil généalogique est parsemé de détails piquants sur la vie locale : pages intéressantes sur le rôle du consistoire, sur la sévérité des mœurs (interdiction des danses, des jeux, répression de la paillardise, etc.), sur le procès d’une sorcière. Les nombreuses citations extraites des registres paroissiaux, consistoriaux, notariaux, illustrent ces pratiques ancestrales, expliquent aussi la rudesse des caractères bien trempés par l’existence difficile de paysans de montagne. Mais, le lecteur se perd parfois dans les méandres de cette famille tentaculaire : au bout de trois ou quatre générations, vu le nombre élevé d’enfants par couple, il n’est pas facile de s’y retrouver, malgré la généalogie rigoureusement établie en fin de volume. Jean, le bâtisseur de la « maison neuve » en 1797 est un fervent patriote dès l’année suivante ; il participe à l’Assemblée provisoire, puis est nommé agent national dans son village. Sa fidélité à la République helvétique est toutefois conditionnée par le sort que celle-ci réserve à l’abolition complète et sans rachat des droits féodaux ; déçu sur ce chapitre et parfois récalcitrant, Jean n’en demeure pas moins respectueux des autorités établies. En 1799, il est nommé à la Chambre administrative, la plus haute autorité cantonale à côté du préfet. On peut s’étonner de cette promotion ; notable certes, mais d’une petite commune, quelle pouvait être sa notoriété au-delà, quelles compétences pouvait-il faire valoir ? Il a été ovationné le 19 juin 1799 dans une séance du Grand Conseil helvétique, où son éloquence a été remarquée ; il s’est lié avec des hommes en vue comme Béat-Ferdinand Testuz ou François-Étienne Jaunin ; sa ligne est apparemment proche de celle de Muret. Ce fut sans doute suffisant dans ce Canton du Léman où les capacités ne sont pas légion. Jean sera l’une des victimes de la répression qui suivit l’affaire de l’Adresse anarchique : il est « démissionné » en janvier 1801. L’ouvrage se termine sur la crise des Bourla-Papey et sur la guerre civile de l’été 1802. Un second volume fera sans doute connaître et la suite de la carrière politique de Jean dans le Grand Conseil vaudois, et celle de cette famille, dans laquelle on remarque, entre autres, Jean-Jacques (1787-1882), fils de Jean, également député au Grand Conseil et personnalité hors du commun.

Zitierweise:
Hofmann, Étienne: Rezension zu: Gaillard, Olivier: Une histoire de Veytaux. Anecdotes et documents découverts dans les pas de la famille Delarottaz, vol. 1, Lausanne 2020. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 129, 2021, p. 197.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 129, 2021, p. 197.

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